Veuve de Clown
Les clowns vivent dans un monde pompeux, se marient en grande pompe et meurent en pompes funèbres, privés des couleurs d’un maquillage outré, livides et rigolos comme des pingouins rigides qui cessent de glisser sur cette banquise glaciale qu’est la vie.
Toi l’épouse, la veuve ensorcelée, tu t’épanches avec la candeur d’une femme battue sur ce bozo desséché et conçois pour une lui une nouvelle forme d’amour, pétrie de pitié, de commisération : c’est qu’il t’a fait rire, l’animal, avec ses farces grossières, ses ballons phalliques, ses nippes putassières à faire pâlir les horreurs délicieuses de Bollywood.
Que reste-t-il de lui si ce n’est des souvenirs psychotropes, une garde-robe inutilisable, un sac à malices sans surprise pour toi, quelques enfants déviants, gloire des cirques d’antan, que tu as supportés dans ton ventre rond comme une ogive ?
Un maquillage atroce de fête foraine, un nez rouge et gluant que tu portes à la face du monde, excroissance verruqueuse, l’héritage outrancier d’une génération de monstres qui te suivent sans fin, jusque dans tes rêves !
Ta vie rêvée de princesse décapitée s’achève enfin. Heureuse et confuse, noyée dans ton fleuve de larmes chaudes, tu ne sais rien dire d’autre, embrassant le cadavre exquis, qu’un grand Merci, un prologue à l’oubli.
Texte mis en bière le 9 janvier 2012.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
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