Théorie de l’Abattoir
L’heure des soubrettes mondaines a sonné : ils se faufilent, graciles, l’écume aux lèvres et les yeux glauques, malades d’envies parmi les mornes souterrains aux odeurs âcres d’hommes éventrés : cet amour les mènera loin, crépusculaire folie, intestinale démesure, macabre ataraxie.
De jeunes hommes cagoulés les attendent déjà à l’ouverture, à l’encoignure des couloirs, face aux portes vérolées par la rouille et les supplices du temps jadis. Ces gens responsables, haut placés, ont payé pour cela des sommes indécentes : est-il plaisir plus consomptible que celui de subir le courroux de délicieux bourreaux vêtus de cuir, aux musclés bandés, saillants, anonymes jusqu’au crime, dont certains, les plus affables, pourraient faire, si d’aventure ils le désirent, don de leur organe intime ? Est-il plus douce souillure qu’un rapport sexuel non consenti ?
Nous irons loin dans ce voyage, pensaient-ils, jusqu’à l’abnégation totale de notre ego, le rachat de toutes nos fautes envers la société, ces vols perpétrés en toute impunité, que nous avons commis sans jamais bafouer le Code Civil, cette auguste supercherie.
D’ores et déjà, les bourreaux désinvoltes affûtent leurs lames avec dextérité. Ils ont des noms des quatre coins de la terre et, déjà, l’envie de rentrer chez eux avec ce salaire plus confortable que ceux des trafiquants de drogue, trafiquants d’organes, trafiquants d’amour. Qu’il est doux de torturer quelqu’un, d’être payé pour cela : quel plus affable destin qu’un vice qui se finance à prix d’or et dont vous êtes le principal exécutant ?
Il importe peu de détruire les carcasses abjectes de ces déviants d’une souche catholique abjecte et non avouée, de liquider ces fantômes freudiens, perpétuelle resucée d’esprits pervers qui désirent être Bons malgré leur puanteur viscérale, redevenir un Enfant innocent, aux plaisirs sinistrés, rejoindre cet Eden, mettre à mort cette sournoise et vertigineuse prostitution au capitalisme intériorisée comme la blessure jusqu’au nerf d’une découpe franche, initiée par une multitude de coups de scalpel : un châtiment plus franc qu’une utopie.
Je te saigne salope, hommes d’affaires, directeur.
Je te saigne petite lope, et le sexe, et le cœur.
Prends ceci et oublie :
Le paradis, connard, c’est ici.
***
Nous chanterons par delà le monde ouvrier vos louanges atroces, suivant ces péripéties sexuelles et meurtrières par l’œil de verre des webcams les plus douteuses qui officient bien loin, en Europe de l’Est, à l’ombre des hôtels qui bruissent encore le nom des amoureux transis, face aux grandes forêts dont vous êtes les vampires.
Texte écrit le 31 juillet 2012.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
Laissez un commentaire