Restauration(S)
Comment n’avais-je pas vu, passant à côté de l’immonde restauration de l’auguste façade, la cathédrale Saint-Jean, transformée en pâtisserie cocasse, plus encore désormais en maison de conte gourmand : le lieu rédhibitoire d’un kiss-in interdit, le décor urbain idéal pour une flambée de lacrymos et des projots sons et lumières, un spectacle point trop facho, qui se savoure avec des marrons tous chauds : bientôt, les festivités vont déformer cette nouvelle carcasse de Meringue à faire pâlir Fourvière, sa vierge en chocolat, en pure maison des délices :
On entre dans Décembre, on pénètre doucement la saveur de l’hiver, vin chaud et churros bien gras, cette petite sensation de froid qui picore les doigts, l’endormissement lent de la chair comme une petite mort d’artiste qui n’a de Graal qu’une cheminée accueillante – et la possibilité de se concocter un grog, la sorcellerie la plus plausible du monde, divin enchantement.
On pleure la reddition lente des traditions qui sombrent dans l’oubli, honorant au passage quelques rites qui persistent parce qu’ils profitent au capitalisme, prennent de l’ampleur, jusqu’à devenir des monstres saisissants, des hydres invoquées quatre nuits, censés captiver la population impie en leur vendant du rêve grandeur nature et peu importe l’odeur des merguez, l’amabilité abjecte des autochtones, la porte des enfers qui s’ouvre dans chaque hôtel. Tout cela n’est que magie, une grandeur à la Gabrielle Marquez.
Dieu n’est pas restauré, pas plus que le passant, païenne vache à lait, qui s’engouffre dans des restaurants noirs de monde et tourne comme un bombyx en quête d’un bar auguste, une vaine oasis dans le vide urbain nauséeux de bruits. Effarante parade en grande pompe, assurément funèbre, sordide capharnaüm d’une fête éminemment déceptive, pandémonium de sons, de claps et d’invectives, jusqu’à l’épuisement – intenses bourdonnements, affreuses pulsations. Alors, le pas et l’estomac captifs battent le pavé assourdissant en quête d’une maisonnée, d’une nuit de sommeil intense et profonde, avant de remettre ça comme à confesse, le vice comme restauré, toutes les fois nécrosées.
Texte vomi le 23 novembre 2011.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
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