Billet

Recherche Libido Désespérément

 

Jojo, tu sais quoi : j’ai perdu ma libido ! Désemparé, je suis, je l’ai quêté jusqu’à l’hosto. On m’a répondu, pour sûr, qu’il n’y avait pas urgence. J’ai alors vu un détective privé, trouvé dans les pages jaunies de l’annuaire. Il m’a demandé, le bougre, de me remémorer exactement ce que j’avais fait, et où je l’avais perdu. J’ai dû procéder à une introspection sévère, comme chez un psychanalyste, sauf que c’était nettement moins cher, et plus efficace.
 
Ca c’est passé, je crois, en allant au Macdo : je suis venu comme je suis, je suis reparti plumé ; un mal de ventre s’est emparé de moi et, le lendemain, la mort totale de mes désirs m’a crucifié : tu n’imagines même pas ! Moi qui courais les jupons, n’ayant pas peur des soufflets ou de passer pour un pervers de seconde zone, je me retrouvais là, au milieu de toutes ces femmes à combler comme un Chapon, avec quelques kilos en plus.
 
Fort décidé à retrouver ma défunte libido,  je suis revenu sur les lieux supposés du crime mais, au lieu de retrouver ma défunte testostérone, je me suis anesthésié d’antibiotiques et, malgré moi, j’ai fait le plein d’hormones. Que faire d’autre ? Les autochtones attablés n’inspiraient pas franchement l’amour, avec leurs lèvres toutes grasses, leurs doigts boudinés emprisonnant des burgers qui, visiblement, étaient fait pour eux. Et je ne parle même pas de leurs vêtements qui mettaient en valeur des continents de graisse, leurs teints ternes et livides à faire sourire des végétaliens pur jus.  On a les plaisirs de la chair qu’on mérite, paraît-il. Je n’étais point tenté de rentrer dans ce cercle vicieux et pourtant…
 
Alerté par un taux de cholestérol atomique, j’ai consulté un marabout, qui m’a demandé, lui, de me concentrer sur ce que je n’ai pas fait, pour un résultat tout aussi insatisfaisant. Pourtant, il s’est démené le bougre : après m’avoir enfumé avec des bâtonnets d’encens, tout en posant une batterie de questions stupides à des morts invisibles, il s’est muni d’un petit pendule scintillant qu’il promena avec une concentration tout sauf naturelle sur une carte de la ville. T’as déjà vu ça, toi ? Il prétendait pouvoir, par ce procédé étrange qui s’appelle la radiesthésie, un truc bien plus confortable qu’une coloscopie, tu peux m’en croire, la retrouver. Quelle joie : le pendule tout excité s’arrêta net sur une adresse : celle de mon domicile fixe. La belle affaire !
 
Ma libido s’était donc planquée chez moi, à mon insu, et c’est avec un engouement tragique et puéril que je m’acharnais à renouer contact avec elle sauf qu’une évidence vint me frapper de plein fouet : à quoi donc peut ressembler une libido ? Le fruit de mes recherches n’avait pas l’air d’un fruit, mais de rien du tout : que dalle, nada, zéro pointé ! Quand m’apparut la solution à ce jeu de cache cache : un logo de pomme pourrie, sur un boîtier informatique ! J’avais perdu ma libido en consultant quelques sites dirons-nous… pornographiques : elle s’était égarée, la garce, dans un embranchement de corps, une anecdotique perfection me l’avait subtilisée pour de bon. Je réalisais, à mon grand désespoir, l’ampleur pharaonique du challenge : la reconquérir, ce serait comme retrouver une aiguille dans une botte de foin !
 
Malgré mon historique chargé d’insultes jadis motivantes, ma connexion haut débit à faire passer un éjaculateur précoce pour un marathonien, je ne la retrouvais point et pire, je réalisais que consulter de la pornographie sans être excité, ou du moins motivé par un afflux sanguin, c’était comme se gaver de tartines au beurre, quand on a d’yeux que pour la confiture ! J’étais perdu, perdu à jamais : me serait-il possible de bander à nouveau, pour quelqu’un, ou même pour quelque chose ?
 
A défaut de trouver une réponse à cette question, il m’apparut évident je n’avais point égaré ma libido, pas plus qu’elle ne m’avait déserté ! La garce se terrait simplement dans les landes organiques de mon cerveau : ou bien était-elle tombée dans une énième lésion créée par l’aspartame, ou bien prenait-elle en otage mon hypophyse pour le simple plaisir de me torturer, comme ces terroristes un peu kamikazes qui ne prennent pas le temps d’établir une liste de revendications et s’en vont vers la mort, tambour battant. J’espérais bien la retrouver au coin d’un scanner, en passant une radio cérébrale, mais le chirurgien n’y trouva rien à redire : j’avais malgré moi un cerveau tout à fait normal, même s’il me semblait qu’il dysfonctionnait de plus en plus et que j’étais loin de mobiliser le déjà faible pourcentage d’utilisation de celui-ci. Diantre !
 

Peut-être qu’au fond ma vie manquait d’amour, de grâce, de poésie, de cette petite mélodie que d’aucuns appellent le bonheur. L’affectif, j’ai toujours pensé que ça s’adressait aux filles et aux pédés passifs. Seulement voilà, l’amour c’est dégoûtant, c’est comme le caramel : c’est sucré et ça colle aux dents. Pire encore : c’est comme les carambars : tu l’ouvres, et tu t’aperçois que c’est une blague pas franchement savoureuse, limite ringarde. Sérieusement, qui a envie d’avaler un clown, à moins d’être cannibale ou homosexuel ? J’étais perdu, perdu pour moi-même et pourtant je découvrais dans cet affreux dilemme la capacité de réfléchir et même, n’ayons pas peur des mots, de philosopher. A défaut de forniquer ou d’être amoureux, je pourrais, si le cœur m’en dit, faire chier bien des gens.

 


Texte écrit  le 27 avril 2012.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :

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juin 27th, 2012 at 5:16

J’ai toujours adoré te lire…
Et je pense que cela ne changera pas… Depuis le temps…
Bisous mon Nico !!!

juin 27th, 2012 at 6:00

Merci pour le compliment. Espérons que ça ne change pas oui, car ça fait plaisir, vraiment. Tiens, à l’heure où tu le lisais cet article, j’étais justement à la poste pour tu sais quoi.
🙂

juin 28th, 2012 at 11:09

Il y en aurait des choses à dire sur la libido, absente ou trop présente selon les moments, et pas toujours les mieux choisis ni avec les meilleurs excitants. Mais qu’y faire? Nous ne sommes que des hommes, donc des glandes.

juin 29th, 2012 at 12:34

C’est exactement ça qui a motivé la création de ce texte. Ces jeux de « cache-cache » m’intriguent tellement, et depuis si longtemps. Ce que nous sommes… hummm vaste question. Des glandes odorifères, suintant la testostérone. Et puis, c’est la saison, n’est-ce pas ?

juin 29th, 2012 at 12:54

Oui… Mais…
Tant mieux non !!!
Une libido toujours exacerbée ou inexistante !!
Ce ne serait pas plus enviable et gérable…

Heureusement qu’elle disparaît de temps en temps…

Maintenant quand elle revient…
Arf… C’est chaud à gérer !! 😉

juin 29th, 2012 at 1:47

C’est peu pratique qu’elle fasse coucou avec autant d’insistance l’été. Certains garçons aident bien,a vec leur corps d’athlète. On voit moins qu’ils ont un visage ingrat : ce genre de chose apparaît mieux l’hiver. Tu sais moi, je suis une créature du froid. Je n’aime pas la chaleur, pas du tout. Donc l’envie est là, mais le contact d’un corps chaud est tout de suite moins motivant. Je crois que j’ai la solution : tous à poil dans un bac à glaçons !

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