My Beautiful Tourette
Je me suis toujours demandé si, pour les amoureux des insultes sexuelles, c’était excitant de forniquer avec des gens atteints du syndrome Gilles de la Tourette, si les insultes qu’ils dégainent au moment de décharger dépassent en violence celles qu’ils lancent parfois, intempestifs, à tout bout de champ, en terroristes du bon goût. Ah ! Les frasques de l’orgasme !
Je t’ai rencontré un samedi pas fait comme les autres, dans une laverie, rue des minauderies. Furieux, tu pestais contre le lave-linge, le tambour, les boutons, ton linge qui tournait, ou quelques secrets de l’univers qu’il ne m’était pas permis d’envisager alors, contre ta vie, peut-être, contre un amour lâche, prétendu éternel : comment peut-on quitter pareille beauté ?
Cette rage épileptique, folie dramatique des acteurs qui en font trop derrière les projecteurs, m’a derechef séduit. Je ne savais pas que tu étais membre de la confrérie des Tourette quand bien même, après m’avoir rendu la politesse par un sourire sauvage et sensuel, tu m’as dis, je n’en croyais pas mes oreilles : bonjour, connard, bonjour connard, avec cette insistance un peu folle qui, si je n’avais pas aperçu l’amour dans tes yeux, t’aurais mené direct à la morgue, ou dans un fossé !
Chère âme, ne sais-tu pas qu’il n’est pas permis d’insulter ainsi les inconnus dans les parties communes, à moins que de partager ses parties intimes ! Ça ne se fait pas, ce n’est pas bien ! Un gang pourrait te dégommer, un passant un peu trop armé te dézinguer, des policiers par trop zélés t’arrêter, t’imposer, en échange de ce temps perdu à tes côtés et de tes grasses invectives, une fouille rectale, en plus d’un petit séjour en cellule de dégrisement : peu importe le résultat des alcotests.
My beautiful Tourette, tu n’avais rien d’un fou, d’un échappé d’hôpitaux psychiatriques certifié, à peine connaissais-tu l’existence du Vinatier : la folie se lit dans les yeux, même les plus insondables, tu sais, cette étincelle sournoise qui dévoile la méchanceté de celui qui te regarde avec des mauvaises intentions. Toi, ton regard est doux, tendre et serein : c’est un regard qu’on envisage de voir chaque matin, au réveil, chaque jour de la vie. Moi, je le veux, j’en suis certain. Me voilà conquis !
Tu m’as dit : je suis Tourette, pédé, et ça m’a charmé, lors même que j’imaginais que ce n’était pas ton prénom : Tourette, même si ça sonnait mieux que Gilles, Georges, ou d’autres prénoms fort dépassés. Enfin, tu m’as poussé contre un lave-linge, main au panier, pour m’embrasser. Salope ! Salope ! hurlais-tu, à l’ombre de ce bonheur. J’ai su à tes mots doux, renfort spontané de tes actes précipités, tellement purs et virils, que tu étais sincère ! Et j’avais hâte, déjà, attendri par tant de franc-parler, que tu m’insultes une fois au lit, et ce, dans toute les positions : une prison sonore, la plus confortable des détentions !
Texte écrit 9 juin 2012.
P.S : Merci Brigitte, pour les Invites. Tu as été merveilleuse, sémillante et glaireuse.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
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juillet 10th, 2012 at 3:33
Foutre de chien ! Nous jouerons au ping pong sonore par les rues. C’est très tendance ces temps-ci 🙂
Si je te rencontre un jour, je saurai comment te parler!