Billet

L’Impossible Voyage

 

Après avoir étudié une kyrielle de destinations suspecte à prix cassés ou cassants, j’avais demandé pour nos vacances qu’elle nous trouve, l’opératrice, une petite île déserte bien calme, intégralement dépourvue de voisinage, et de wifi. Madagascar, vous savez, ce n’est plus ce que c’était !

 

Surprise par ma requête, elle m’a indiqué avec un dédain d’une discrétion arrogante que les îles désertes n’existaient plus depuis belle lurette et que les voyages dans l’espace n’étaient toujours pas à l’ordre du jour. Les ermitages et autres retraites religieuses, quoi qu’il en soit, ne sont pas dans votre budget.

 

« Vous avez bien une petite chambre d’hôte quelque part au milieu de nulle part, dans la campagne ? A condition bien sûr qu’il n’y ait pas trop d’émission de gaz carbonique : les vaches, ce n’est guère bon que dans l’assiette. »

 

Nous en vîmes des photographies de ces chambres d’hôtes, merveilleuses ou dispensables, mais la tronche des propriétaires ne nous revenait que trop rarement : aucune envie de croiser ces visages bouffis ou obséquieux le matin, au petit déjeuner !

 

Agacée par mes incessantes critiques, fatiguée par la longueur de l’entrevue, et les contrats de fait perdu par ma persistance, elle me dit, d’un ton aussi sec qu’un shooter bien frappé : allez donc voir au coin de la rue, les pompes funèbres font une ristourne sur les séjours à la morgue.

 

Texte écrit le 24 septembre 2012
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :

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Sexy Scribe
juillet 8th, 2014 at 5:18

Elle a de la répartie ton opératrice !

J’aime bien ce texte ! Sache que je fais la chasse aux textes orphelins de commentaires; je n’aime pas les savoir tout nus et délaissés, comme mal aimés.

Je te dis à demain où je réparerai d’autres injustices textuelles.

Sexy Scribe, insomniaque momentanément déprimé.

juillet 8th, 2014 at 11:48

Merci à toi, Justicier du web. C’est vrai, et tu dois penser cela aussi j’imagine, que l’on se dit facilement qu’un texte sans commentaire, dont on sait qu’il est lu grâce aux statistiques, est forcément raté, inintéressant, anecdotique. Et j’en passe. Il reste, à jamais, dans une sorte d’anonymat. Quand on aime vraiment un texte qu’on a produit, ce qui est rare chez moi, c’est un peu douloureux.

Ce texte fait écho à A Macadam City, où il y a un passage dans la même veine, dans une agence de voyage. L’opératrice était bien plus sympathique et dévouée : sans doute débutait-elle dans le métier. Le désir des clients, qui se prennent pour des rois quand ils alignent les biftons, sans doute parce qu’ils n’ont que ce pouvoir, est parfois fort difficile à combler.

Sexy Scribe
juillet 8th, 2014 at 9:21

Je comprends tout à fait ce sentiment que tu ressens à propos des textes dénués de commentaires ; quand ça m’arrive, je me demande toujours si, en plus d’être sans commentaire aucun, il ne sont pas en plus sans talent. Il y a toujours une petite remise en question un peu douloureuse, puis je remets sur le métier mon ouvrage et j’essaie de faire mieux.

Nous sommes des artistes qui guettent l’assentiment de leur public, ou quelque chose du genre.

Me croiras-tu si je te dis que j’attends minuit, l’heure où tu dors, pour ma dose de NR et pour le plaisir de laisser mon petit commentaire que tu trouveras à ton réveil ? C’est ma petite joie juste avant de dormir.

Affectueusement !

Bon, j’y vais, Ducisse ne cesse de me pincer, il est vert de jalousie, on dirait un serpent qui siffle au dessus de ma tête.

juillet 9th, 2014 at 10:20

Le paradoxe c’est que de mon côté je ne guette rien, je constate seulement. Après toutes ses années, je reste assez fragile vis à vis de mes écrits. Si je n’écrivais pas par passion et ce, depuis si longtemps, je pense que j’aurais arrêté, découragé.
Oui, je te crois et j’en suis flatté, c’est un de mes moments favoris dans la journée par ailleurs : voir sur quel texte tu as écrit, ce que tu vas en dire, l’angle. Si les textes sont là, immuables, figés dans l’éternel de la toile, les commentaires lui donnent une une sorte non pas de seconde jeunesse, car c’est un complément, mais une sorte de vie parallèle, ou bien un rêve qui gravite tout autour.

Excellentes journées à venir !

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