Les quatre Filles du Docteur marchent
Nous n’irons plus cueillir des fruits car père est mort : fini le temps des tartes et des plaisirs, des instants savourés sous l’ombre dentelée du noisetier, à l’heure où chantent les insectes, bourdonnent les oiseaux.
Nous n’irons plus cueillir des fleurs, puisque mère a choisi l’immortelle en son long sommeil ; nous n’aimions pas les chrysanthèmes, ces fleurs qui signent l’anathème, longent, statiques et mortifères, les stèles mornes, les souvenirs rouillés par les caprices du temps.
Nous n’irons plus à la chapelle, prier pour leur santé, des jours meilleurs, ce paradis salvateur qui les ferait renaître sous d’autres cieux, lors même que nos cœurs saignent : des souvenirs comme des poignards, des sanglots étouffés dans la nuit, l’ombre cruelle du « jamais plus » !
Lasses, nous marchons vers une mort certaine, pieds nus, sans escarpin, pantoufle de vair, la peau gracile sur les marches rocailleuses des villes souillées de glaires, avec, dans le regard, vide de toute expression, glace sans teint, le terne reflet d’un foyer au goût d’enfance.
Texte écrit le 9 juin 2012
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
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Anonymous
janvier 4th, 2014 at 12:05
bonne année
J’ai l’impression que c’est mon histoire qui a été romancée.
Le style est toujours aussi impeccable.
Tom