Le Club des Chastes
Aujourd’hui, réunion au club des chastes, pour le renouvellement de la présidence du club : nous savons que Thomas a sombré dans la luxure depuis la semaine dernière, qu’il s’est acoquiné au mal(e) malgré notre code de bonne conduite, qu’il s’est livré, le traître, à ses plus bas instincts et ce, dans toutes les positions, dans des endroits qui défient l’imagination, et l’hygiène ! Il a prétendu que tout cela, c’était de l’amour, voyez-vous, de l’amour, que l’amour charnel était la plus haute manifestation de l’humanité, et de l’amour de Dieu. Ruse du diable ! Il est devenu un sodomite pratiquant, voilà tout.
Nous revoici donc au point de départ, pour la cent vingtième fois depuis la création du club, qui remonte tout de même au siècle dernier, n’est-ce pas… Je vous rappelle l’usage : sur un morceau de papier vierge, nommez la personne que vous jugez parmi tous les membres du club la plus vertueuse et la plus capable de nous diriger, pour une durée d’un an, reconductible à loisir.
La personne qui sera la plus citée deviendra Président du club des chastes. Il n’appartiendra qu’à lui d’établir l’ordre du jour de chacune de nos réunions, qui ont lieu, pour rappel, une fois par mois, d’organiser les kermesses et de collecter des fonds pour la prévention des dépravés qui jonchent notre société comme les mauvaises herbes ruinent les champs, dans la campagne. Qu’elles ne nous contaminent pas quand nous voudrons, nous, qui sommes sains, fonder une famille, même homo parentale.
Il faut tuer le sexe, massacrer le désir qui conduit l’homme à la folie, à la maladie, à sa recrudescence infâme. Ce sont les premiers signes, doit-on le rappeler, de l’Apocalypse. Pour lutter contre ce fléau, nous avons besoin de vous, et de cette élection de la plus haute importance. Allez-y, procédez, agitez donc vos stylos ! Je vous rappelle, soit dit en passant, que mon nom de famille s’écrit avec deux L, et sans accent.
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Extrait de discours du précédent président, désormais martyr, à loisir, sur une croix de Saint-André :
Ces hommes et ces femmes qui changent d’amants, de maîtresses, comme ils changent de sous-vêtements, pour l’hygiène prétendue du fantasme, l’ultime défense du plaisir érigé en art de vivre, toisent les romantiques qui se pâment à la lecture d’œuvres dignes, je cite, de la bibliothèque rose. Ils nous détestent, nous, les gens chastes et vierges : une sous race d’incapable, des utopistes dangereux. Ils nous briment, nous condamnent avec leurs discours granuleux, comme un sperme fermenté dans des dessous trop chauds. Moi je dis : Putes ! Affamés du rut ! Fils de Belzébuth ! Allez donc en enfer, les caves sont bien trop fraîches.
Texte voté sans motion de censure le 26 juin 2012.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
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