Billet

La Caverne d’Ali Barbare


On avait prévu de visionner ce film, ce film fantastique japonais, avec un plateau repas, chez moi, un soir, depuis des lustres – en années fourmis. On avait prévu chacun de faire la cuisine, et ce serait vraisemblablement un moment sympa – que pourtant les hasards de la vie n’ont pas encore rendu possible, pas plus que ma bonne volonté, quelque peu viciée par les temps qui courent.
 
Depuis plusieurs nuits, j’imagine dans l’apocalypse aigre douce de mes rêves maudits, moult dérapages à ce rendez-vous qui ne parvient pas à se matérialiser dans le monde concret. Eminemment violent, le dérapage. Il vient donc, ce cher ami, avec une quiche sans lardon et cette curieuse mallette qu’il pose dans un coin, qui intrigue mon œil, n’ayant de cesse de la fixer au moindre temps mort, que ma pudeur incertaine et bonhomme dissimule ouvertement à ma curiosité.
 
Le film terminé, je me rends compte que l’intrigante mallette a disparu, comme par enchantement, et qu’il tient, le charmant monsieur, dans son imposante main, une clé à molette, dont il semble, malgré son air fort peu dégourdi, se servir à merveille puisque, d’un coup éclatant et plus sûr encore que ses mots, il fait voler mes lunettes puis ma tête, ainsi qu’un long filet de sang, sauce Espelette. Ma tête, donc, il l’a maintient, par amour de la procédure, dans ses mains comme un agrume, puis se contente de l’écraser contre le mur de mon salon, comme un vulgaire insecte. Il ajoute quelques mots au silence des bombes : tu te crois moins malin maintenant, tu te crois moins malin, hein ?
 

Je ne réponds que par l’écoulement dispendieux d’une bave épaisse, qui s’écoule entre mes lèvres, une bave chaude et pâteuse, purpurine, qu’il étale sur mon visage, en en broyant copieusement l’ossature, déplaçant jusqu’à ma mâchoire. Mais tu vas crier, bordel, s’énerve-t-il soudain de cette apathie terrible que je lui témoigne, de ce manque cruel de réaction dont je suis l’acteur, patte molle entre ses doigts, tu vas crier – et j’ai juste dit, du bout des lèvres : non.

Le mur s’est ouvert en deux, faisant tomber ce tableau que j’ai appelé Erotomanes, et, me détachant de lui, de son étreinte fauve et puissante, je me suis faufilé sans plus attendre dans l’ouverture, sans même qu’il ne parvienne à me suivre, puisque sa corpulence, plus massive que la mienne, ne le permettait pas. C’est ainsi que j’ai atterri dans une caverne au luxe baroque – et glaciale. Apparaissait, devant mes yeux douloureux, un lac azuré, souterrain, dans lequel j’ai décidé de mirer mon visage maudit par les coups, meurtri et décharné, avant que de le nettoyer, souillant le lac, qui devint noir, noir, ébène et nuit, et dans lequel ma tête tomba, dévissée de son socle comme une vulgaire ampoule, provoquant le réveil.

 

Mai 2009. Un rêve extrait de Querelle(S) 2 :
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août 18th, 2012 at 11:21

Il n’y a bien qu’elle de vierge, dans les environs….

août 19th, 2012 at 12:25

Tu t’es trompé de billet. Serait-ce une ruse du diable ?

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