Incertain Sacrifice
C’est en contrechamp que tu m’as fait pleurer. De toute évidence, je joue mal, très mal. Ma carrière n’a même pas commencé qu’elle est déjà finie : aux oubliettes mes désirs de starlettes, mes rêves d’affiches, le glamour hollywoodien. A quoi bon persister quand il n’est pas permis d’insister ?
J’ai rêvé la vie bleue sous des éclairs mordorés, la fuite en avant, gracile, loin des paparazzi qui me chasseraient par milliers, que mon nom rayonne et s’imprime sur les plus belles pages, en lettres capitales et, dans plus grandes villes, de m’alanguir à loisir dans les palaces, dans le parfum capiteux d’une litière de fleurs.
Sois belle et tais-toi, ne fais pas de cinéma ; ce sont ces refrains qui me reviennent, chaque jour, comme des boucles technos avariées qui lassent, jusqu’à l’écoeurement. On vous écrira, à très bientôt, cette politesse qui enivre et qui gangrène, le passage obligé vers un jour prochain, une histoire qui se répète et les promesses, tout autant de fantômes qui viennent me hanter, pour disparaître tout à fait.
Parfois, il me semble que la chance va enfin frapper. Elle luit, exquise et perçante, dans l’œil d’un réalisateur, d’un producteur, dans le regard d’un homme avant tout, celui d’un homme sur une femme qui se construit sous ses yeux : c’est comme une phase de séduction, une valse dangereuse qui vire sournoisement à la tauromachie : il faut alors que la femme se déconstruise tout à fait pour être percée du glaive, et vaincue, pour renaître de ses cendres. Je ne serai jamais au nombre de ces femmes. Je suis digne, et le resterai.
Le sens du sacrifice s’arrête aux orifices.
Texte écrit le 12 mai 2012.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
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