Nos débuts dans Hello Kitty Online sont à fait particuliers, à défaut d’être exaltants : Valenita, brune pulpeuse au sourire figé, est coincée dans le dreamland et ne parvient pas à acheter son ticket d’évasion, quant à moi, sous le pseudo Astradyne, ancêtre de Querelle, je parcours avec un entrain mesuré les terres pastels et rondouillardes de ce pays férocement enchanté, ne croisant personne d’autre que des ennemis pacifiques qui, faute d’être agressifs, refusent de mourir sous mes coups de bâton un tantinet répétitifs : ils s’endorment paisiblement, puis continuent leur existence paisible de monstre à câlins.

C’est là que l’on comprend toute la violence de l’univers Nintendo avec ses tortues belliqueuses qui se jettent inlassablement dans le vide, son plombier impétueux qui, force de ses poings pixélisés, à l’image du Hooligan Link, casse tout sur son passage. Que dire de sa princesse idiote, aux lèvres de plus en plus pulpeuses, qui se fait tout le temps enlever parce qu’au fond d’elle-même, elle est attirée par le mal et ne souhaite pas devenir une mamma italienne.

Mael, compagnon des premières heures, ne revient pas : il semble prisonnier d’une autre dimension, plus tangible, plus palpable, dans laquelle il porte à loisir un boxer Hello Kitty : son paquet, ainsi exposé, a de quoi attirer le chaland.

 
Quant à moi, toujours en quête de cette ferme qui, d’après la traduction hasardeuse, m’appartient, je finis – ô joie, ô miracle – par la trouver, faute d’indication, dans une autre portion de ce monde enchanté : on s’y téléporte le plus naturellement du monde en parlant à un quidam obèse. Mais avant, direction les emplettes : j’achète des graines dans l’espoir d’obtenir pommes de terre et épinards mais j’obtiens tout l’étal du marché, à l’exception des dits légumes demandés dans la quête en cours.

 
Voilà une belle leçon de vie : se donner au maximum pour un résultat tout à fait arbitraire. Nous ne sommes rien, pauvres mortels, Prométhée de seconde zone, face aux aléas du destin. Ceux qui prétendraient qu’Hello Kitty Online ne serait pas en mesure de proposer à ses joueurs une dimension philosophique sont tout à fait dans l’erreur. Il est temps de faire table rase des préjugés. Et sus aux Hérétiques ! Il suffit de discuter un peu avec la charmante Usahana (personnage non joueur, NPC pour les intimes) qui vous confiera un secret du cosmos dans un français impeccable, si vous avez osé patcher le jeu. Cette dernière nous apprend une vérité essentielle sur le monde : « vivre au bord du lac favorise la pensée analytique. »

Méditons donc cet enseignement ! Et, pour les plus pragmatiques, demandons-nous pourquoi ces personnages que nous avons créés avant tant d’innocence avant de se lancer corps et âme dans cette aventure sirupeuse portent, et c’est un choix fort discutable, des tongs ! Les voies d’Hello Kitty, déesse de l’enfance, sont impénétrables !

Il est temps, je pense, de retourner dans le monde réel : les tympans vrillés, oppressés, les jeux injectés de sang, agressés par la pléiade de couleurs que ne renieraient pas Combas ou Niki de Saint Phalle, la patience testée à son maximum, témoignent d’une souffrance viscérale, d’un danger certain, bien qu’incongru, pour la santé mentale, allégrement menacée. A l’image de Dark Souls, sa némésis, survivre dans le monde d’Hello Kitty Online, est non seulement une excursion dans les landes égotiques du sadomasochisme mais c’est aussi et surtout une ode au dépassement de soi.

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