Fantasme : les Hommes Mariés
Ludivine file un mauvais coton : la baby-doll se révolte ; branchée sur du 200 volts, les ovaires en mode frénétique, elle s’invite dans la couche des hommes mariés qui l’accueillent les bras ouverts quand elle écarte les chairs de ses cuisses laiteuses.
C’est plus grisant ces hommes qui se noient dans une vie bien rangée, à l’heure où les quidams disponibles sont ennuyeux et sans surprise. J’ai l’impression, pense-t-elle parfois, de les sauver d’un séjour en prison : ne suis-je autre chose qu’une geôlière fantasmatique qui leur livre la clef du plaisir, pour une fugue sulfureuse ?
Ils rentreront bien sagement à la maison, le soir, après, sous les prétextes fallacieux les plus convenus ; même les hôtels, ces bordels organisés investis d’hommes d’affaires douteux et besogneux, nous sauvent de l’ennui d’un petit déjeuner partagé entre quatre yeux – et des orifices muets.
Ludivine s’est trouvé une addiction : plus saine que la café, la nicotine, moins dangereuse que les confiseries, plus délectable qu’un énième roman tarabiscoté – mais plat – sur l’adultère. Elle pioche allégrement comme l’abeille butine les fleurs des jardins publics dans la corbeille des Plaisirs : les petits amis de ses meilleures copines, les collègues de travail qui n’ont guère mieux à faire que s’adonner à ce genre d’heures supplémentaires, quelques amis de la famille, pour la forme et l’hygiène : un carnet de bal en tableau de chasse.
D’abord, ce fut Fabrice, puis Jean-François, Jonathan, Jean-Luc, Abbés et Léonard, Christophe, pour le challenge, et puis Robert – ah, bon, Robert, le gros Robert ? – un soir de disette, cela, toujours avec le même succès : il suffit d’ouvrir le sésame des interdits pour fustiger un bonheur conjugal qui exclut parfois toutes les fantaisies du sexe. Certaines femmes se posent tant de limites qu’il est normal que leur cher mari batifole dans les filets d’ogresses assermentées par le plaisir.
Je supplante, pense-t-elle alors, les femmes les plus sexy, parce que je suis le fantasme incarné, la femme de tous les possibles, qui ne s’impose aucune limite. Peu importe l’allure de mes rivales, l’éclat de leur beauté, la perfection de leurs formes, le luxe dans lequel elles se baignent : Chanel, Hermès ou Tati. Je suis charnelle, je suis l’ânesse que tu couvres de lait. Et je me fais baiser : faire l’amour, vous savez, ce n’est rien qu’une fiction.
Une voix parfois dans sa tête entonne ce refrain qui bourdonne, repris en chœur dans les yeux des enfants qui jouent dans le parc :
« C’est pas bien Ludivine
Tu iras en enfer.
Tu es bien trop coquine
Ainsi attachée à des barreaux en fer ! »
« J’essaie de ne point trop l’entendre et de vaquer à mes plaisirs sournois avec toute la délicatesse et la dévotion d’une murène : les hommes sont des porcs, des usines à fantasmes qui tournent à chaud, il serait fort dommage, hypocrites consoeurs, de ne pas en profiter ! »
Texte écrit le 24 septembre 2012.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
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novembre 22nd, 2012 at 8:06
Pour ma part, je pense que oui. L’orgueil des hommes face à la sexualité est terriblement mal placé. Les mauvaises langues diront que la vérité sort de la bouche des enfants 🙂
novembre 22nd, 2012 at 11:21
Bonjour Nicolas. Toujours autant de talent pour l’écriture. Rien à redire. Bonne continuation. A+
N’est-elle pas dans le vrai, de tirer cette conclusion?