Elégie des Coquettes Sales
Ca dégorge sévère, dans les transports en commun d’hommes et de femmes qui ont – admirez la litote – une vague notion d’hygiène, un nez fort peu affûté ou un respect d’autrui ma foi fort limité. Il est vrai que les miroirs ne reflètent pas les odeurs : qu’il est confortable de se voir, quand on ne peut pas se sentir !
Cette femme, par exemple, avec une robe bleu un peu passée, un serre-tête brillant comme un vers luisant, des cheveux rincés dans une friteuse, n’est-elle pas sensuelle comme une huître ? Chaque été, elle ruisselle, fond comme un sorbet au fruit rance, collante comme la glu qui hypnotise et enchante les collégiens. Elle serait élégante, à quatre heures du matin dans le brouillard, la vérité, c’est qu’elle laisse toujours des flaques d’eau aqueuse sur le siège du bus.
La légende dit qu’elle se vaporise avec ce déodorant censé protéger des odeurs pendant 72 heures, de quoi faire des économies d’eau à grande échelle : à dire vrai, c’est surtout valable pour les personnes minces. Les obèses, le saviez-vous, utilisent moins d’eau quand ils se lavent : la baignoire se remplit plus vite ; la douche est saturée. Question de bon sens.
Je connais son médecin, un brave homme. Même s’il ne supporte plus ces gens qui suintent à tout va de l’huile de ricin, il prétend qu’ils laissent des traces sur les chaises, et des odeurs morbides, dans son cabinet. Quand ils suent, allongés sur la table d’examen, ils dégorgent des sucs qui l’imbibent totalement. Des gens propres, consternés, fuient son cabinet à cause de ça. Ils y sentent la mort, la crasse. Ils imaginent que les cafards y valsent, la nuit venue.
Le problème, c’est que les gens sont trop sympas, avec ces personnes qu’il me plaît d’appeler, en hommage à Brigitte Fontaine, qui au moins ne mâche pas ses mots : les Coquettes sales. Ils leur disent : « tu es belle aujourd’hui », « tu as bonne mine », « le rose te va bien », « sympa ton nouveau bracelet », « j’aime bien la couleur de ton nouveau rouge à lèvres. » C’est tellement plus élégant, social et facile que de dire la vérité, la vérité pure : « tu pues, va te décrasser. »
Le médecin, quant à lui, fait de la prévention, prend des gants, et pas seulement pour les touchers rectaux. Il sermonne : « L’hygiène douteuse, plus que les drogues, vous perdra. » Pur mensonge, et affabulation. Ces réalités n’existent pas dans le monde physique : qui voit s’affairer en trombe des milliards d’acariens sur la surface de ces gens qui ne connaissent de la salle de bain que le miroir ? Le diable en rit, assurément, quand le bon sens rit jaune.
Texte vaporisé le 27 juin 2012.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
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août 22nd, 2012 at 10:08
Il faut dire ce qui est : certaines effluves sont insupportables et les corporelles dans le peloton de tête avec tout ce qui touche aux excréments et déjections and co. J’ai la malchance d’avoir l’odorat comme sens le plus développé. Cette publicité aurait dû être interdire « pour des raisons de santé publique ». Anyway, les boules puantes sont partout.
Tu es comme moi, tu ne supporte pas les odeurs. Cette pub dont tu parles (72 heures)) m’a toujours laissé pantois: trois jours, et c’est censé remplacer la douche! On a aussi quelques individus comme ça dans l’enseignement, élèves ou profs!