Billet

Des Nouvelles de l’Hiver

 

Hiver : saison de l’intérieur, sans jeu de mots. Implacable saison des petits meurtres languissants : la morsure jusqu’au bout des doigts, gerçures des lèvres même amoureuses, mais toujours  les yeux humides devant l’âtre, et la nuit qui descend toujours, criminelle, pour tuer les après-midi à bout portant. Saison qui nous enclore comme des enfants dans des foyers rassurants, saison des Robinson ; saison qui porte à l’essentiel
 
Malgré les ténèbres glacées, emmitouflés de tes nippes multicolores et ternes, tu m’apportes des nouvelles du monde et du chocolat, dans un nuage du fumée : il n’est pas facteur plus évident que celui délivre d’aussi bonnes nouvelles, chroniques joyeuses d’un monde insensé :
 
Suite à l’augmentation de toutes les TVA, l’horoscope est désormais certifié science exacte.
Les chiens plus que les hommes, qui les singent à moitié, méritent désormais des oscars, pour orner les jardins.
On a envoyé Lady Gaga sur la lune, côté face cachée.
L’hiver, déjà, n’est plus d’actualité : d’après miss bikini, le printemps viendra plus tôt que prévu.
 
C’est ainsi que, dans ce déluge de fables contemporaines et bien au chaud, nous buvons un thé au citron, avec une lichette de rhum, picorons des apéritifs diaprés à la lueur d’un feu qui nous consume peu à peu, devant des bibelots enchâssés : les trésors inestimables d’une vie sordide qui ne se raconte plus.
 
Suspendus dans cette scène charmante, il nous vient à l’idée qu’il est possible de nous aimer quand déjà sonne l’heure du souper : celle, raisonnable, de la séparation et d’une vérité qui confine à l’absolu : les instants en hiver ont parfois des parfums d’éternité, qu’ils ornent la mémoire avec l’immanence du présent.

 

Texte sorti de l’hibernation le 1 mars 2012

Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :

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