Botanique / Des Voies du Désir
C’était très intime jusqu’à maintenant et cela pourrait l’être encore plus, je veux dire : sexuellement. Tout de suite, le mot est lâché, claque comme le fouet sur une peau satinée, une lichette d’alcool, suspendue aux lèvres d’un nouveau né. Je ne plaisante pas.
Souvent, comme chaque être humain normalement constitué, je n’entends pas par là, avec deux bras, deux jambes, une tête, dix orteils, un éventuel myxœdème, mais bref, je m’évertue à avoir / concevoir des attentes et désormais, ce qui n’est guère inédit, je n’en ai plus vraiment, sans être au point mort, du moins, au point de non-retour : j’éprouve donc des désirs, intellectuels ou physiologiques, seulement, par un étrange maléfice, ils ne sont jamais synchrones avec la réalité, du moins, avec le possible que me soumet la réalité, ce qu’elle (me) permet de réaliser.
Sans doute est-ce là le spectre d’un masochisme ardent que je cultive à mon égard, à mon insu, comme un jardinier dédaignant quelques mauvaises herbes, pour qu’elles se reproduisent encore et encore, ceci, avec la finalité expresse et non avouée d’effectuer, dans son joli jardin, toujours plus de labeurs. On ne saurait être plus explicite : les métaphores touchent l’être, en substance, par le paraître même de l’image et les reflets que celles-ci impriment – ou du moins suggèrent – dans le subconscient.
***
Le désir accrescent des fleurs tombe au soleil
Et des voiles de lin nous racontent merveilles
Un vent de destinée darde un rayon diapré
Parcourant la ville, l’océan et le prè
Amour entomophile
Découvre-toi d’un fil
Et de ton bec de grive
Ebauche-moi un hile
Et ainsi le désir vint à se satisfaire
Imprimant sur la chair les parfums délétères
Et la fleur racornie aux parfums putrescents
Inventa pour les sens comme un amour naissant
***
Nous sommes immergés dans cette époque qui ne veut pas de nous en tant qu’humain, du moins, pas tant que nous ne sommes pas Fleur et les fleurs, orgueil ou blason, fanent promptement, comme tu le sais, un jour ou l’autre, parce qu’elles ne durent jamais longtemps. C’est ce que veut la nature. C’est la règle, il en va ainsi de l’ordre du monde.
Or :
L’orgueil des fleurs, existe-t-il, ainsi que celui de Narcisse, devenu fleur ?
Conçoivent-elles des intuitions justes, concernant leur destinée réelle ?
Connaissent-elles autre chose que leur destinée supposée ?
Qu’elle ne peut, cette destinée, que s’accomplir dans la continuité, celle-là même qui trace la voix de l’éternel ?
Cela dit, il est un fait établi que certains, parmi nous, aiment à sécher les fleurs, entre les pages d’un livre, afin de les converser, momies végétales, graciles décomposées – taxidermie du pauvre, momification anecdotique : c’est là donc, probablement, la mort du désir, en tant que chose vivante : la possession, totale et inaliénable, d’une chose transfigurée qui peut ravir, au-delà de nos sens. Un tel amour me semble humainement impossible.
Extrait de Querelle(S), journaux intimes mais non confidentiels, disponibles sur Thebookedition en format papier et numérique
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février 15th, 2014 at 5:06
Ou plutôt murir. Bonne question. « Vous avez 4 heures ».
Bon week-end à toi 🙂
« j’éprouve donc des désirs, intellectuels ou physiologiques, seulement, par un étrange maléfice, ils ne sont jamais synchrones avec la réalité, du moins, avec le possible que me soumet la réalité, ce qu’elle (me) permet de réaliser. »
J’ai longtemps connu cet état de fait. Aujourd’hui, je suis presque synchro. C’est peut-être ça, vieillir….