Disconite
Mélénas, Mélunos et Mélonis, trois amis inséparables, passent tout leur temps libre ensemble depuis des années. Ils partagent tout : les sorties, les secrets, les alcools, une seule et même voiture, leurs sous-vêtements et, bien sûr, leurs amants. Parfois, en discothèque, l’ambiance, les sons, les visages, l’alcool, et autres substances, souvent quelque chose de bien plus profond encore, poussent ces trois amis au crime, frisson singulier, exaltant.
Disconite est le premier roman de Nicolas Raviere.
EXTRAIT
Hommes alentours, silhouettes trapues, noires, bardées de bombeurs, dans l’entrebâillement de la porte, métal froid, imposant, celle-là même de porte qui baille, s’ouvre, une fois le doigt sur la sonnerie appuyée, vagin métallisé. Le regard haut et noir, scrutateur, ils laissent souvent les corps un à un pénétrer l’antre des sons, comme une vaste machine aux désirs uniformes et sans cesse relancés. Un homme dichroïque garde les vêtements chauds de l’hiver sur des rangées spécieuses de cintres noirs, recourbés comme des verges au repos, contre quelques pièces, dévoilant un sourire vaguement édenté quand, bouche ouverte, il vous dit ou vous clame « bonne soirée », selon l’attirance, claquant sa langue violacée comme un fouet sur des muqueuses humides.
C’est une procession lente souvent, devers cet homme, une fois le sanctuaire pénétré : il est deux heures, les corps s’entassent, dévêtus de tous leurs oripeaux. Les corps beaux souvent se dévoilent, exhibent sous leur musculature fallacieuse ces tissus simples dont ils sont revêtus, rituellement près du corps, comme une improbable seconde peau, laquelle, toujours, réfléchit l’artificieuse lumière avec un éclat terrible, aux limites de l’aveuglement, vaine et stérile provocation, ourlant le corps, torse, épaules et biceps, mis en valeur pour l’hédonisme pluvieux du soir. Le sacro-saint halo des anges permissifs.
L’histoire commence ici, dans ce fatras sonore, l’infanterie des décibels – j’habite ici.
Enfin presque, en certaines heures reculées, que je choisis au sein de celles souvent imposées par le Rite : l’arrivée jamais avant deux heures, et le départ toujours avant cinq, mais jamais seul pour le coup. Mélunos et Mélonis souvent m’accompagnent dans leurs vêtements diaprés, afin que nous puissions former ce trio improbable que nous aimons tant : à la fois frères, à la fois sœurs, parfois amants, nous avançons à trois dans une même nuit, en stéréo et en simultané, jusqu’à signer nos forfaits et nos crimes par nos seules initiales, MMM, sur les murs, trottoirs, affichettes et devantures, au sang, au gloss, aux déjections rectales, au chyme.
Moi, Mélénas aime les hommes en noir.
Mélunos, les hommes en gris.
Mélonis, les hommes en rouge.
Le blanc c’est commun ; le blanc c’est salissant. Le blanc, c’est virginal, c’est propre et éclatant. C’est très mariage aussi, sans doute alors très militant. Et jamais vraiment sexy, le blanc.
Mon nom est Mélénas, non pas le pluriel de méléna, qui signifie « évacuation de selles obscures par l’anus, contenant du sang noir digéré » mais en référence à cette fabuleuse épopée d’Homère, l’écrivain et aveugle et inventé, qui relate le célébrissime épisode de la guerre de Troie. Mélénas est l’époux d’Hélène, la belle Hélène, la poire Hélène, mais belle poire sûrement, pour susciter pareille hécatombe.
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