Billet

L’Etat des Lieux

 

Jasmine danse sur l’onde du soir, dans une rue silencieuse, un poème gravé dans la tête, sur la surface féroce d’une balle de revolver.

Fabien enlève désormais ses jambes pour dormir : ses rêves lui paraissent plus nets, de cette façon.

 

Fascinée par Maupassant et sa chère Mère aux Monstres, Clémentine Salariée est déçue de ne pouvoir vendre ses enfants qu’aux trafiquants d’organes, non loin de la frontière. Elle maugrée en silence : l’héritage des siècles se perd.

 

Steven, avec l’innocence d’un enfant malicieux, se rit du décès lamentable d’un client dodu et, sous le joug d’une euphorie communicative, lâche son verre de vin en plein repas.

 

Pendant ce temps, un sinistre boudin, dans un pays en perdition, fait l’éloge de la consanguinité en brandissant sa moralité de morue, l’œil darne, avec la classe d’une poissonnière.

 

Quelqu’un, quelque part, confesse un viol en 140 caractères.

 

Thérèse, avilie, s’apprête à porter plainte contre ses parents, à cause de son prénom. Hélas, le seul avocat qu’elle peut s’offrir est en train de pourrir sur l’étal des fruits et légumes. Force est de constater qu’il n’a pas un physique facile.

 

Deux collègues de travail discutent, bâtonnet de cancer dans le bec : «  Je me demande qui va là, boudinée dans un fil de tissu : serait-ce dont une prostituée ? – C’est ma sœur, connard.  – Et bien, ce n’est pas une légende, mon pote : on ne choisit pas sa famille. »

 

Douce habitude pour Simon qui caresse sous la table l’entrejambe de son frère jumeau, alors que leurs femmes révisent leurs potins, leurs oncles obséquieux devisant dans des langues mathématiques qui n’ont plus rien d’humain.

 

Avis aux carnassiers : sur la troisième, un prêtre pédophile a été converti en kebab.

 

*
Quelque part, dans une alcôve au silence térébrant, une homme s’adresse à Dieu : « Je ne sais pas ce que tu en penses, Dieu, mais Eve et la pomme, cette histoire de serpent, ça t’est vraiment resté en travers de la gorge. »

 

Quant à moi, j’ai testé pour vous l’euthanasie mais je ne suis plus là pour témoigner.

 

Texte : écrit  le 27 décembre 2013
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :

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mai 20th, 2014 at 10:00

Bonjour.J’ignore si tu te rappelles de moi. Ca me fait plaisir de revenir par ici. Je me sens presque à la maison.

mai 20th, 2014 at 11:14

Et comment ! Je me souviens de toi 🙂 Ton blog et toi vous avez disparu si vite, sans laisser de trace. J’espère que tu vas bien.

Yann Frank
juin 27th, 2014 at 4:36

Ah, j’aime cette succession de destins-express, originaux et déjantés.

Je ne suis pas sûr de comprendre comme tu voudrais que l’on comprenne, mais c’est cela aussi la littérature, prendre ce qu’on peut, ce qu’on veut d’un texte et prendre son pied en le lisant.

Chose faite ! Merci.

juin 27th, 2014 at 11:10

Rebonjour !
Tu résumes bien l’essentiel Yann, c’est exactement ça.
Je ne souhaite que très rarement faire passer de message (sauf peut-être sur certains sujets qui me tiennent à coeur). Le but c’est de vivre un moment d’écriture et de le partager ici ou dans mes livres pour que quelqu’un, quelque part, vive un moment de lecture.
Si le lecteur passe un bon moment, qu’il y trouve quelque chose, une voix, un echo, un sourire, je suis content surtout que je suis rarement satisfait.
On s’en fiche des niveaux, des significations et tout le tralala. C’est accessoire, comme un bracelet sur un corps nu.
Bonne journée à toi !

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