Bien le bonsoir, mesdames et surtout demoiselles. Brave, doux et gentil, j’élève des porcs pour qu’ils soient saignés et je recherche avec une vivacité somme toute relative une complice au génocide placide, une de celles qui redresse sa jupe dans le foin, point une femme trop compliquée, une femme qui a pour devise, voyons voir : « queue du bonheur ». Je souhaite qu’elle ait, j’insiste, c’est important, ce petit teint rose porcin qui indique que l’alcool n’est pas un problème. Au contraire, cela réchauffe et nous rapproche un peu plus de nos semblables.
Bémol, nuance, enfin, ce que vous voulez, j’émettrais également un petit desideratum, sous forme de doléance : qu’elle ne fasse pas trop coquine, pour ne point affoler le troupeau : non pas le cheptel mais ces mecs du village qui ne se satisfont pas de leurs brus souvent verruqueuses. Ces gredins poussent leur vice jusqu’à aller au centre ville. On y louerait des utérus un peu secs pour un ou deux billets, peu importe la saison. En outre, il est impératif qu’elle ne fasse pas trop cochonne non plus : je pourrais la confondre avec mon élevage si d’aventure elle n’est pas très propre. Vous savez, à la campagne, avec tous ces effluves qui fusent de toute part, il est difficile de mesurer l’hygiène d’autrui sans avoir le nez collé dans un décolleté.
Il faudrait aussi qu’elle travaille un peu : les femmes aiment recevoir (ça oui ! confirme-t-il avec les yeux qui s’allument comme un jackpot de casino) mais il faut aussi qu’elles donnent et cela, sans compter ! Attention, je ne souhaite en aucune façon qu’elle travaille à l’extérieur, parce que la ville est dangereuse et les tentations bien trop ancrées dans le paysage urbain. C’est juste qu’il est nécessaire qu’elle soit présente, et disponible, notamment pour la cuisine – et la saillie. Elle pourrait également traire les vaches, ne serait-ce que pour s’entraîner.
Vous me demandez si ça ne me dérange pas si cette femme a déjà des enfants ? Bien sûr que non, ça ne me dérange pas mais alors pas du tout : on a toujours besoin de bras ici, à la ferme. Il y a toujours quelque chose à faire, vous savez. Et puis les enfants sont des réserves d’énergie, ils peuvent très bien remplacer leur mère lorsque celle-ci est indisposée ou quand elle est assaillie par la migraine. Alors oui, je dis oui aux enfants : je me ferais même une joie de les faire montrer sur mon gros tracteur !
Que dire de plus ? Toi qui me regardes, qui m’observes derrière ta télévision, je t’invite à analyser encore et encore mon portrait grâce au magnétoscope, à fantasmer sur mes hectares, mon exploitation et le petit bonhomme en combinaison verte qui s’agite dans cet espace qui manque d’amour. Si tu es intelligente, fraîche et jolie, que tu t’es reconnu, n’hésite pas à me contacter si tu veux vivre d’amour et d’eau fraîche, avec un peu de boue collée aux bottes… J’attends avec impatience tes nombreuses photographies, ainsi qu’une lettre d’accompagnement ne serait-ce que pour connaître ton petit nom, prénom par lequel je t’appellerai chaque matin de chaque jour, pour te réveiller dès l’aube – car je serai ton coq.
Texte : Ecrit le 20 décembre 2013
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
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Ça ressemble à une version cash de l’amour est dans le pré. Just saying. 😛