Ce doit être doux, parfois, d’avoir un amant, pour se consoler, faire passer cette haine de l’autre qui nous dévore parfois, fugace et gloutonne, délaver cette monotonie qui distille ses lents poisons, oppresser cette tendre mort de la personnalité, cet effritement constant, cette disparition progressive de soi : oui, ce doit être délicieux. Et cependant dégoûtant, abject… absolument circonstanciel : voilà la raison éclairée qui vient tapiner du côté du démon et qui, victorieuse, chante sa victoire. Trompette et hosanna.
Je passe mon tour, pour cette fois, cette fois encore – et sans remords.
Il nous arrive parfois, quand vient le soir, de dériver dans ces douces pensées coupables qui font de nous des êtres humains, cet entrelacs insensé de chair et de pensées qui se contredisent parfois. Sommes-nous en guerre avec nous même au point de contredire la félicité, par attrait pour l’apocalypse, ou par masochisme acharné ? Pourquoi cet appétit soudain de destruction, quand construire se fait au fil des mois, des ans ?
Comme on voit sur l’épaule, dans des fictions ridicules, ce petit diablotin lubrique et cet ange adorablement bouffi se taper la causette à coups d’arguments stupides et rabâchés pour disparaître enfin dans une dimension où ils s’adonnent sûrement à toutes sortes de vices, nous dérivons parfois dans ces séduisantes fictions de l’esprit qui nous conduisent aux drames les plus délicieux. Regarde cette maudite carte, la Maison Dieu, ceux qui tombent, les pêcheurs, ils ramassent des cailloux pour reconstruire, reconstruire toujours : la vie n’est pas figée et n’est rien sans passion. Ils tombent sans se faire mal : la vie n’est qu’un jeu, tant qu’on a encore les cartes en main.
Je franchirai la porte demain, un autre jour.
C’est ça, cause toujours.
J’irai sucer une queue, dans un enfer en mieux. J’avalerai le liquide et mes larmes : terrible secret. Et mon remords, qui me rongera chaque jour comme une maladie, sera ma punition, mon ciel, mon châtiment. Et de nouveau je renaîtrai, faute de me repentir.
J’admire ces hommes et ces femmes qui n’ont pas de scrupules, qui dissocient le Sexe et l’Amour, l’Aventure et le Quotidien, ceux, celles qui écrivent à l’encre translucide des histoires pour chaque jour, sans penser aux lendemains : c’est bien la seule égalité qui existe entre les sexes, celle de pouvoir se mélanger sans fin.
Désormais, dans la rue, je guette les regards comme autant d’ouverture, pour me glisser avec la furtivité d’un fauve dans l’entrebâillement d’une porte : je me sens prêt à mettre une croix sur mon amour dans un local poubelle, parmi les détritus, à l’ancienne, comme au temps des renifleurs. Poète maudit célébrant sa victoire contre le quotidien, une constellation s’imprimera dans mon regard à l’instant X, scintillante petite morte et se répandra dans mon corps tendrement, en délicieux poison.
Texte écrit le 20 décembre 2013.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
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J’ai lu ce texte séduisant deux fois, le temps minimal pour essayer de faire la part du toi réel et du toi fictif.
Je n’y arrive pas.
C’est pourquoi, je te lirai, encore et encore.
Pour mieux te connaître, mieux t’appréhender, mieux t’approcher.
Je suis total fan et je n’en conçois que du plaisir.
A bientôt de te lire, encore et toujours.