Billet

La Geôle des Tapettes Célestes

 

Petites grues cultureuses ridées et ventrues, croyant tout connaître de « la mort sur l’échafaud qui est notre gloire », vous vous êtes rencontrées, coïncidence merveilleuse, stupéfiante, terriblement fortuite, en cette petite cérémonie organisée en l’horreur de ce cher Jean, ce cher Jeannot, fantôme des geôles, poète du stupre éthéré, fantasmé, terriblement noueux.

 

Là, en cet instant, c’est le vernissage de l’exposition sur Genet. Jean Genet, ni père, ni mère. De vieilles pédales élitistes et ventrues partagent des coupettes et s’extasient sur Jean, Jean Genet, un saint, un martyr, un sodomite poète en milieu carcéral, LE Jean Genet, qui est Lyonnais, un auteur ignoré de la ville qu’il est évident, désormais, de révérer, patrimoine oblige, propension culturelle grotesque : c’est So Lyon, so saucisson.

 

Sans doute ces dames poilues dont les becs de lièvre, nez gras ou aquilins, trempent dans des flûtes pétillantes, évoquent-elles, entre deux canapés, des souvenirs du temps jadis quand elles mouillaient copieusement les drapés cotonneux en le lisant, adolescentes séquestrées par des parents petits bourgeois dans de grands intérieurs capitonnés, qu’elles fantasmaient honteusement sur l’oeuvre poétiquement bandante, empruntée sous le manteau à un vieux bibliothécaire inverti frustré dans ses désirs.

 

C’était la folle époque, ma bonne dame, où l’homosexualité, impure hérésie, était passible de prison, l’époque sacrée des renifleurs et autres créatures de l’ombre : la virilité n’était pas mise sous cellophane, rendue clinique par des canons stupides, les lois mercantiles du capitalisme, les désirs tout simplement chloroformés par la norme. C’était l’époque des prisons, pour tout bon inverti qui se respecte et Jean, ce cher Jean, l’avait testé pour vous. Jeannot, peut-être, était in, (à défaut d’être Bath ou Ok) mais ça, peu de gens le concevaient, le conçoivent aujourd’hui, car voyez-vous, l’œuvre – encore ouverte comme un cul fleuri sur l’abîme – de cet homme, et bien, c’est une œuvre qui se mérite.

 

Le rêve d’une tapette céleste, captive de ses propres fantasmes, est de partager, avec l’homme en question, une verrine, dans un restaurant huppé d’une rue Lyonnaise fort peu fréquentée, de s’adonner sans remord, par nécessité, peut-être par jeu, à la grivèlerie, sourires aux lèvres, en donnant à cet acte même suffisamment de poésie pour qu’il existe en lui-même, hors de lui-même, et, enfin d’en être condamné, pour pouvoir dire un jour au complice éclatant quelque chose comme : « Mon ange, je te mettrai à Mettray. »

 

Extrait du tome 3 des carnets Intimes Querelle(S) :
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