Billet

Monstres d’Ombre

 

Longtemps, je me suis couché de bonne heure, par peur du crépuscule, de cette noirceur qui s’invite au ciel, envahit la terre : les murs, la pierre, tout ce que touchent les ténèbres, disparaissent alors jusqu’au jour suivant. De voir ainsi les ombres s’allonger jusqu’à moi m’horrifiait plus que tout.

 

Toujours cette sensation de se noyer dans un océan moiré, que des monstres informes et cruels s’y dérobaient : je sentais leurs yeux percer mon âme. Ils se cachaient là, sous le lit, derrière les meubles, et n’attaquaient que ceux qui se refusent aux bras tendres des rêves ; Mère me l’a dit bien des fois : « Ils se nourrissent de ta peur. »

 

L’hiver, je me couchais sans boire ni manger, le ventre vide et tenaillé, la conscience apaisée ; je sentais les doigts de Morphée sur mes paupières lourdes et tombais aussitôt dans les sommeils les plus profonds, les plus exquis : je rêvais de festins, de maisons pleines de bonbons, de pains d’épices, de boissons lactées.

 

Or, à présent, je me couche tard, le ventre plein, l’esprit vif, un coutelas bien tranchant planqué sous l’oreiller : j’attends de pied ferme ces monstres depuis qu’ils ont dévoré l’âme de ma petite sœur, une nuit. Nous la voyons chaque dimanche après la messe, à l’hôpital des Fous. Elle erre, silencieuse, en robe de chambre, entre les pierres blanches, pétrifiée devant la fenêtre, le regard absent, muette comme une tombe, l’âme vide !

 

 

Ecrit le 27 juillet 2017

Défi : écrire un texte qui commence par « longtemps, je suis couché de bonne heure… »

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Mister Freak
août 20th, 2017 at 6:43

Comme je peux comprendre la peur des monstres et du soir qui s’allonge sur le monde du narrateur. Les petits d’homme vivent des aventures si pleines, si capitales et nous avons presque tout oublié de celles-ci (pas tous). Mais le petit garçon est encore là. Quoi qu’il arrive.

août 20th, 2017 at 7:38

Celui-ci ne l’oubliera pas je crois même si je suppose que, depuis, il a laissé tomber son couteau.

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