Maman Boomerang
C’est l’anniversaire de ma mère aujourd’hui. Elle aurait eu 72 ans. Triste, même pas… c’est au delà des mots. J’ai l’impression, même après toutes ces années, que je ne ferai jamais le deuil. Evaporation de la seule personne qui me comprenait et ne me jugeait pas, malgré mes différences. Disparition de cette femme qui jamais ne m’a déçu ni par ses actes, ni par ses paroles, ses rares mensonges protecteurs, ceux des mères les plus merveilleuses. Désintégration, enfin, d’un monde de courage, de vertus et de talents, d’une mère.
Que dire de ce amour jamais formulé à l’aide des mots, par un canonique « je t’aime », de mon éloignement pour aller à la faculté, tout ce que cela génère de flots constants, imbibés de regrets, regrets qui me hantent chaque jour, ponctuels comme des fantômes, revenant par vagues, à l’heure inévitable, rituelle, des introspections ?
Les errances de mes pensées, en tous lieux, toutes heures, reviennent toujours à cette circonvolution qui est devenue, malgré moi, le centre de ma vie, et cette idée, chaque fois, me frappe comme un boomerang. Bien sûr, je sais qu’elle aimerait que je ne sois pas triste, que je parvienne à m’extraire une bonne fois pour toute de cette vie monocorde et maussade que je m’impose depuis, mais je n’arrive guère à marcher amputé de ce membre, cette partie de moi trop tôt disparue.
Seule l’écriture me sauve parfois, quand elle dirige mes pensées vers d’autres mondes où je n’existe plus. – J’espère que tout va, où que tu sois.
Absente, tu es partout
Libre au delà des mondes
– Et je m’enferre.
140617
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Mais on ne fait jamais le deuil. D’ailleurs, que c’est laid, cette expression. Comme si on faisait un gâteau ! On est fait par le deuil, par les deuils successifs, petits ou grands. Et vouloir s’en débarrasser, c’est vouloir se refuser soi-même. Les gens ne meurent pas : on les intériorise. Je ne supporte même pas la moindre photographie exposée, pour moi le summum de l’impudeur, du fini. Mes photographies sont intérieures, et changent au gré des jours, des nuits, tantôt sombre comme la maladie, tantôt lumineuses comme le soleil dans un jardin d’été. Pour moi, ma mère sera toujours une fleur, modeste, celles qu’elle aimait et que, chaque année, elle faisait refleurir dans le jardin. Aujourd’hui, c’est moi le jardinier.
Pour l’écriture : bien sûr.
Je ne peux m’empêcher de commenter. Tout ce qui a trait aux mères me parle. Et oui, on a tous une Maman. Et à te lire, elle était du même genre que la mienne. Je ne peux que compatir, et encore ce mot, compatir, me semble superflu, attendu… L’écriture peut être bien des choses, et faire beaucoup pour celui qui s’y attele. Je n’ai pas connu ta maman mais je suis sûr et certain qu’elle aurait voulu le meilleur pour toi. faire le deuil, c’est une façon de dire au revoir et peut-être que tu n’es pas prêt pour ça. Ceci dit, et je pense que tu n’as pas besoin de moi pour le savoir : ta mère ne te quittera jamais, deuil fait ou non. Et c’est tant mieux.