La Pluie
La pluie qui, douce et fraîche, contrarie depuis une semaine les aspirants de l’été, condamne l’envie de voir le monde, de varier son alimentation – vivre sur les réserves, ode aux boîtes de conserve. Idéal prétexte de ne pas subir cette corvée : déambuler dans ces rangées de mets empoisonnés, se souvenir des étiquettes sans la bible des additifs alimentaires, slalomer entre les quidams qui, au centre des allées, bloquent les passages, hésitent trois cents ans devant une soupe de légumes à la gélatine de porc. Toutes ces gouttes d’eau qui font déborder le vase de la patience. Mais cependant, j’aime, lors de mes rares promenades, que la pluie s’écoule lentement du ciel, en infimes gouttelettes, éclatant sur mon front, s’accrochant follement dans la virgule de mes sourcils, s’écoulant sur mes lèvres, s’imprégnant comme mille amants épuisés sur mes chemises échancrées. Autre délice : les rues désertifiées nous appartiennent presque. C’est la nuit avant l’heure, et sans ses drames, qui s’implante dans ces tristes décors urbains. Et quand la pluie s’invite à l’intérieur, il n’y a nul endroit où se réfugier.
120714
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