Retrouve-moi, ce soir, sur 3615 boudin, discutons, taillons le bout de gras à tout rompre, bâton rompu, jusqu’au bout de la nuit : nos démons festoieront dans l’infini du lol : nos vies dans les plus beaux placards, nos espoirs placardés sur la toile comme des insectes fous. Parfois, des perles lacrymales suinteront à l’extrémité permissive de nos êtres, émouvantes premières fois.
Seras-tu là, ce soir, sur 3615 boudin ? La question ne se pose plus : ce serait interroger la présence innée d’un miroir dans sa propre salle de bain, la dynamique même d’un destin qui nous est promu à la naissance selon l’identité physique qui nous est impartie par cette alchimie qui fait de nous des demi-dieux ou des rebus parfaitement dispensables à l’esthétique mondaine : la plus sourde des évidences.
Communiquons, tendre amour, sur 3615 boudin : nos mots ne sont que des bouillis de pixels, nos visages absents, interdits par l’éthique, nous confortent dans cette possibilité d’être sexué, nos fantasmes s’invaginent. Et nos promesses, si sublimes, rutilantes, ont cette allure de conte de fées puisque tout semble possible : au royaume des aveugles, les borgnes peuvent, en effet, être rois.
Nous nous aimions sur 3615 boudin, d’un amour indélébile, pour ne pas dire débile : notre seule perfection d’un partage sans fin, une communion fantasmée dans l’espoir le plus déplacé : et si notre vie n’était pas celle promise par les tares inavouables de notre génétique, si nous nous reproduisions pour dominer le monde, nous aussi, de même que les cons qui nous ont jetés dans ces prisons sans omettre d’en condamner les fenêtres ?
Qui est là, ce soir, sur 3615 boudin ? Allo, suis-je le seul connecté ? Serait-il temps de descendre dans la rue, quitte à se faire descendre ? Serait-ce le moment de rejoindre cette ville tentaculaire souillée de tripots, de soudoyer les implacables dragons aux portes des enfers, en pensant furieusement éviter, une fois à l’intérieur de ces lupanars improvisés, chaque néon féroce qui déshabille nos défauts pour emballer – enfin – le plus beau des cadeaux.
Texte écrit 3 mars 2013
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :
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